Biographie de Wacław Rolicz-Lieder (1866-1912)

Wacław Rolicz-Lieder est un poète, traducteur et critique littéraire, né le 27 septembre 1866 et mort le 25 avril 1912 à Varsovie. Situé au tournant du 19ème et du 20ème siècle, Wacław Rolicz-Lieder est considéré comme le poète qui a marqué le début de l’ère symboliste en Pologne. Il est à cheval entre deux époques et deux mouvements littéraires, le romantisme et le symbolisme. Sa création s’inscrit dans ce tournant, entre une poésie classique et des courants modernistes. Son esprit créatif a su renouveler et mêler des influences diverses. Wacław Rolicz-Lieder étudie le droit à l’Université Jagellonne de Cracovie. Entre les années 1888 et 1897, il réside à Paris et à Vienne. À Paris, il finit l’École des Langues Orientales. Il écrit un Élémentaire de langue arabe [Elementarz języka arabskiego], en 1893, et traduit des poètes arabes et perses. Plus tard, il vit aussi en Allemagne, il traduit le poète allemand Stefan George (1868-1933), dont il est l’ami, et celles de poètes français, Les Fleurs du mal de Baudelaire, Théophile Gautier et Sully-Prudhomme.

Lors de son séjour à Paris, il se lie d’amitié avec des poètes appartenant au cercle de Stéphane Mallarmé et de Stefan George. Grâce à ces rencontres, il est l’un des premiers à proposer dans la poésie polonaise les éléments du symbolisme européen. Il pose les premières bases de cette poésie dans la littérature polonaise. Il adopte le postulat de Mallarmé qui fait du langage poétique un outil différent du langage quotidien, un langage aboli de son usage réel. Après ce séjour, le poète revient vivre à Varsovie, en 1897. S’opposant alors à la critique, Wacław Rolicz-Lieder publie ses recueils en petit nombre, quelques dizaines d’exemplaires à peine. On lui reproche ses bizarreries stylistiques et son hermétisme. Ce sentiment d’incompréhension le conduit à un repli progressif et à un effacement de la vie littéraire de son pays. Il a d’ailleurs interdit la diffusion et les critiques de ses poèmes, mais ceux-ci ont continué de circuler dans le cercle de ses amis et de sa famille. Parmi ses contemporains, seuls Antoni Lange et Jan Kasprowicz se sont intéressés à son œuvre.

Wacław Rolicz-Lieder était un poète très cultivé, il avait une très bonne connaissance de la littérature française et des tendances modernes. Il admirait le poète Juliusz Słowacki (1809-1849), mais jugeait sévèrement l’héritage du poète romantique Adam Mickiewicz (1798-1855). Malgré l’incompréhension des critiques, il a su proposer un style nouveau et il a ouvert la poésie polonaise à l’esprit du symbolisme européen et aux idées de Mallarmé. Il n’a pas été connu de son vivant. Son œuvre méconnue a été redécouverte grâce aux traductions de Stefan George, présentées dans son anthologie. Aujourd’hui, on considère Wacław Rolicz-Lieder comme un poète qui a marqué la transition entre le romantisme polonais et la première vague des auteurs de la Jeune Pologne. Ses poèmes sont marqués par la sagesse et une forme de renonciation au monde. Ses œuvres principales sont les recueils Poésies [Poezje] (1889, rééd. 1898), Poésies II (1891), Ma Muse [Moja Muza] (1896), Vers [Wiersze] (1903) et Chants de l’indépendance [Pieśni niepodległe] (1906).

CC BY-NC-SA

Image domaine public: wikimedia

« Le chevalier errant », poème de Wacław Rolicz-Lieder

targ_konski_na_pradze

Le chevalier errant

Je marchais d’un pas constant sur des routes étrangères,
Devancé par les gens, tenu à l’écart des foules,
Parce qu’en célébrant l’office, je portais le drapeau de ma patrie,
Qui ralliait sous sa garde la dignité et la fierté d’un peuple.

J’ai vu des nations richissimes et libres,
Nichées, comme des aigles, sur la crête des rochers ;
Je les ai observées — sans éprouver d’envie, et j’ai porté plus loin
Mes pas ralentis, en suivant l’horizon de mes voyages.

Quand je marchais, les gens parfois s’arrêtaient près de moi,
Ils me suivaient longtemps du regard et ils murmuraient en secret :
Dieu envoie cet homme pour nous faire comprendre
Que près de l’or et de nos désirs, il nous manque bien une chose ;

Il nous manque ce que les syllabes ne peuvent dire en un mot,
Il nous manque l’odeur qui emplit chaque recoin de terre, en Pologne,
Il nous manque ce sans quoi l’être le plus puissant — n’est rien ;
Il nous manque ce qui du plus faible fait un brave parmi les puissants.

Traduit par Chantal Lainé

CC BY-NC-SA

Texte original: Antologia Młodej Polski

Image domaine public: wikimedia